- C’est un rêve qui devient de plus en plus inaccessible pour les Françaises et Français : vivre sous son propre toit, en devenant propriétaire.
- La crise immobilière, avec un petit supplément d’inflation, rend la tâche herculéenne, si bien que des solutions « alternatives » se font de plus en plus populaires.
- Mais la spécialiste Anne-Sophie Rebboah prévient : il faut bien avoir conscience des défauts de ces solutions avant de s’engager.
Tu verras, tu verras, tu l’auras ta maison, avec des tuiles bleues, des croisées d’hortensias, des palmiers plein les cieux ».
Alors oui, la référence est datée – cette chanson de Claude Nougaro date de 1978. Mais ça tombe bien : devenir propriétaire d’un logement, tuiles bleues ou non, ça commence aussi à devenir sacrément ancien comme rêve réalisable. L’inflation galopante, la remontée des taux et le « monde d’après » post-Covid ont plongé le secteur immobilier français dans la crise. Trois statistiques pour bien comprendre le problème actuel :
- Les taux d’emprunt flambent : ils sont passés de 2,35 % en moyenne en décembre 2022 à 4 % en septembre 2023, selon l’Observatoire CSA-Crédit Logement.
- Le prix moyen du mètre carré au niveau national a explosé ces dernières années, avec une moyenne estimée à 3.178 euros. C’est + 30 % en dix ans, selon l’Insee. Alors certes, depuis le Covid-19, les tarifs reculent ( la moyenne était à 3.384 euros en 2019), mais cette baisse ne compense pas l’ascension antérieure.
- Le nombre de ventes se casse la figure : – 12 % en un an, selon les Notaires de France.
Face à ce patinage en règle, vous êtes peut-être tenté(e) de trouver des alternatives miracles au bon vieux prêt immobilier devenu (presque) inaccessible. Alors oui, elles existent. Pour les miracles, méfiance quand même. 20 Minutes, avec l’aide d’Anne-Sophie Rebboah, CEO du groupe immobilier Square’s International, fait le point.
Acheter un terrain nu
L’idée : C’est bien connu, « on n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Le plan est donc simple comme bonjour : comptez sur soi. Il suffirait pour cela d’acheter seulement le terrain, et ensuite de construire soi-même sa maison de manière indépendante, que ce soit en faisant appel à un constructeur, en achetant une maison-containeur ou une tiny house ou de vos propres mains et avec vos propres matériaux pour les plus déterminés et bricoleurs d’entre vous.
Pourquoi ce n’est pas si ouf que ça ? La faille est simple : le terrain nu est aussi un marché en crise. « Depuis la guerre en Ukraine, la plupart des matériaux pour bâtir sa propre maison coûtent environ 30 % plus cher, note Anne-Sophie Rebboah, ce qui rend l’astuce beaucoup moins rentable que par le passé. Autre gros impair à prendre en compte : les délais d’approvisionnements peuvent être extrêmement longs ».
Louer un logement avant de l’acheter
L’idée : D’apparence, le plan parfait. La location-accession, aussi appelée l’accession progressive, permet de louer son bien avant de l’acheter. Elle se déroule en deux temps. Première étape, vous occupez le logement comme locataire pépère et reversez une redevance au bailleur, en plus du loyer. Au bout d’un certain temps (maximum deux ans, faut pas pousser non plus), vous décidez si vous achetez ou non. Si c’est un « oui » de votre part, une partie de votre redevance mensuelle est déduite du prix du loyer, ce qui le rend du coup plus abordable. Et si c’est un « non », votre redevance est perdue.
Pourquoi ce n’est pas si ouf que ça ? C’est un bon plan en réalité, mais souvent irréalisable, estime Anne-Sophie Rebboah : « Bonne chance pour trouver un vendeur d’accord pour cette option ! Ce dernier a tout à y perdre. Louer un appartement avant de l’acheter, c’est y voir tous les défauts qu’on ne repère pas dans une visite : la rue bruyante la nuit, le manque de finition… Et vu que c’est le locataire qui a le dernier mot… Avec le marché en crise, les vendeurs n’ont que peu d’intérêt à tenter cette option. »
Se faire payer une partie de son prêt par son patron et son entreprise
L’idée sur le papier : Le rêve de tout salarié, rien de moins : Jean-Michel, votre PDG, vous finance – en partie – votre logement. Dans les faits, l’employeur s’engage à payer à votre place une partie des intérêts. Une façon pour les entreprises d’être à nouveau attractive dans un marché de l’emploi plus que jamais concurrentiel.
Pourquoi ce n’est pas si ouf que ça ? « Cela ne prend en charge qu’une partie des intérêts, donc une infime partie de la somme totale, indique Anne-Sophie Rebboah. Et cela vous lie à votre entreprise. Si vous démissionnez, c’est à nouveau à vous de payer les intérêts. » Avec un marché de l’emploi beaucoup plus dynamique que le marché immobilier, l’option n’a donc rien d’une évidence.
Faire appel à une start-up pour payer une part du loyer
L’idée sur le papier : Votre patron vous a déçu ? Misez sur une start-up à la place. Prenons la fintech Virgil. Elle propose aux acquéreurs de compléter leur apport à hauteur de 100.000 euros maximum, et dans la limite de 20 % du montant de l’opération. Et cette fois, on ne parle pas d’intérêts ou même d’un prêt, mais bien d’une aide à l’achat.
Pourquoi ce n’est pas si ouf que ça ? Vous vous en doutez, ces start-up demandent compensation. Au moment de la revente, si Virgil a investi à hauteur de 10 %, elle récupérera 15 %, 30 % si elle a investi à 20 %, et ainsi de suite. Mais le vrai problème est ailleurs : « Si vous ne revendez pas votre bien d’ici dix ans, vous devez rendre tout l’argent que la start-up aura investi pour vous. Cela vous oblige donc à être actif sur le marché de l’immobilier et à ne voir votre primo-accession que comme temporaire, ce qui est loin d’être une évidence pour la plupart des Français. »
La conclusion (un poil tristoune)
« Attention aux pseudo-solutions miracles pour devenir propriétaire et a fortiori primo-accédant. Si elles étaient aussi efficaces que ça, cela se saurait et il n’y aurait pas une telle crise immobilière. En réalité, si les alternatives fleurissent et existent, il faut bien peser le risque et ne pas en attendre trop. La solution pour devenir propriétaire ? Le bon vieux prêt avec l’aide financière des parents, hélas. Des vraies alternatives efficaces, il n’y en a pas des masses, et rien ne remplacera le patrimoine familial. »
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